Mots après mots, je me suis écorché l’esprit pour donner corps à ce texte. Je me suis abîmé les doigts pour lui donner âme. A vif, les mots sortent d’eux-mêmes violemment. Ils expriment, ils accompagnent la douleur ou ils nous libèrent de quelques regrets. Des regrets ? Sûrement… Faly est brutalement parti, parti sans que je puisse le saluer, sans que je puisse formuler un remerciement. J’ai cru, malheureusement, que la vie nous laisserait le temps.
Le temps, lui, se fout de la vie.

Longtemps, la musique fut simple loisir. Comme Jean-Claude et Pierrot, entre deux péripéties, pêchent sur les bords du canal du Midi, j’éprouvais mon souffle de saxophoniste en compagnie de camarades amateurs de musique histoire de se détendre, de rigoler en poursuivant quelques accords. Une aire de jeu comme une autre, quoi ! Jouer du saxophone ou jouer au basket dans un coin de rue, rien ne différait l’un de l’autre, c’étaient divertissements et franche camaraderie. Une seule prétention, s’amuser !
Un jour d’automne, dans un coin de la chambre de Corinne et Faly, des notes « mécaniques » s’égrenaient, une grille tournait et retournait inlassablement interprétée par un PC de bureau. Invité en ma qualité de musicien, la fleur au pavillon, j’armai mon instrument et décochai, fort de mon oreille musicale, un flot de notes sur la suite d’accords qui radotait.
Je ne pris pas vraiment de claque magistrale ce jour-là néanmoins je me sentis légèrement déconfit, mon jeu paraissait d’une telle banalité… Pour Faly, la musique ne se limitait pas à une passade d’adolescent. Elle l’absorbait. Chaque recoin de cet univers l’interpellait. Il ne semblait cesser de le parcourir. Loin du passe-temps, du violon d’Ingres, sa guitare lui servait de formidable écho à ses pensées. Toutes ces années, je m’étais aisément contenté de la facilité pour esbroufer quelques-uns. Ici, la musique se vivait avec sérieux.
Toutefois, l’invitation fut renouvelée. Une petite fenêtre s’entrouvrit. Un pan de cet univers se dévoila… Merci Faly !

Je pourrais en rester là, avec ce petit effet de style mais ce serait omettre tant de réalités. La générosité, la simplicité habitaient Faly. Il partageait, il vous tirait, il vous poussait, il vous bousculait. Se sentant porter par cette énergie, cet engouement, vous avanciez, vous avanciez désireux d’explorer.
Autodidacte stakhanoviste, compositeur subtile, adepte d’un minimalisme expressif, Faly me souffla un jour où j’improvisais timidement que la musique n’admettait pas la réserve, qu’il fallait s’imposer pour subsister, pour ne pas se faire écraser par ses condisciples avides d’ostentation. Alors, j’ai joué sans vergogne…
J’ai joué un an aux côtés de Faly, une courte année où la musique m’a enfin absorbé. Puis, éloigné par les aléas de ma propre existence, privé de scènes de jeu, la musique est redevenue un simple écart à mon quotidien… Petite année certes mais pleine de réjouissances. Pourtant… pas un seul merci prononcé. Suis-je un ami ingrat ?

Saulge

Le projet de notre duo est né de la rencontre de deux passions : celle de Faly pour le jazz et la mienne pour la musique brésilienne. Le "mariage" de ces deux musiques n'est pas nouveau, d'autres musiciens ont pris ce chemin. Nous avons voulu, modestement, essayer nous aussi.

La maquette que nous avons enregistrée en avril 2005 est le résultat concret de cette rencontre. Mais, c'est surtout le temps passé ensemble à jouer de la musique, et à partager nos expériences que je retiens. Des moments précieux d'échanges.

Philippe Peireira